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FIDMARSEILLE À IZMIR

Institut français Izmir
29.03.2023
01.04.2023

En collaboration avec FIDMarseille

Afin de favoriser les relations liant la ville de Marseille et la métropole d’Izmir, en raison de leurs liens historiques, Institut français Izmir et le FIDMARSEILLE s’associent pour construire et mettre en œuvre conjointement des projets dans le domaine du cinéma. Dans ce cadre, Institut français Izmir accueillera une rétrospective de l’édition 2022 du FIDMARSEILLE comprenant la projection du 9 films issus de la sélection de l’édition 2022, du 29 mars au 1er avril 2023.

“L’Institut français Izmir invite le FIDMarseille pour une reprise de la programmation de sa 33ème édition, qui s’est déroulée au mois de juillet en 2022.
Avec 9 films sur les plus de 130 présentés l’année dernière à Marseille, ce programme a été composé comme un concentré du FIDMarseille, un condensé de sa vitalité : celle d’un festival défricheur, attaché à la singularité de films affranchis des genres et des modèles. Du plus court au plus long métrage, de la fresque documentaire à la romance estivale, le FIDMarseille défend les écritures, visions et modes de production qui font la nécessité d’un cinéma toujours curieux et inquiet du monde, de ses violences et de ses beautés.”  Tsveta DOBREVA, Directrice du FIDMarseille.

Programme:

Mercredi 29 mars
17h00 Site of Passage (7) / Mourir à Ibiza (107)
19h00 Ptitsa (31) / X14 (78)

Jeudi 30 mars
17h00 Sappukei (19) / A Woman Escapes (81)
19h00 Welcome (18) / Kristina (90)

Vendredi 31 mars
15h00 Sappukei (19) / X14 (78)
17h00 Moi aussi j’aime la politique (58) / Welcome (18) (Rencontre avec le réalisateur)
19h00 Site of Passage (7) / A Woman Escapes (81) (Rencontre avec le réalisateur)

Samedi 1e avril
15h00 Ptitsa (31) / Moi aussi j’aime la politique (58)
17h00 Kristina (90) (Rencontre avec le réalisateur)
19h00 Mourir à Ibiza (107) (Rencontre avec le réalisateur)

 

MOI AUSSI J’AIME LA POLITIQUE

De Marie Voignier

France / 2022 / 58’

Avec Moi aussi j’aime la politique, Marie Voignier prolonge l’attention portée de film en film aux territoires où s’entrelacent imaginaires, épaisseurs historiques et enjeux présents, de l’Allemagne de l’Est post communiste (Hinterland, FID 2009) à l’Afrique (L’hypothèse du Mokele Mbembé, FID 2011, Tinselwood, FID 2017). Alors que les frontières se ferment plus qu’elles ne s’ouvrent, deviennent moins points de passages qu’obstacles et zones de fixation, nous voici à une frontière proche, dans la vallée de la Roya, sur les hauteurs de Nice, entre France et Italie. Ouverture : au loin, un pont. Deux silhouettes. Quelques mots. On l’aura compris, l’enjeu ici sera la rencontre et l’accueil. Mais qu’est-ce que l’hospitalité ? La solidarité ? Pas si simple. Le pari sera de faire place à l’écoute de ceux qui accueillent, de leur réflexion quant à ce qui s’y joue, pour soi, pour les autres. Question de geste donc, autant que de mot. Parole en acte et ancrée, comme celle de cet homme affairé dans son verger qui évoque le partage de son jardin comme de la Terre, ou de cette autre bénévole faisant le récit, au volant de sa voiture, du transport de trois jeunes femmes. D’un témoignage à l’autre, se dessine un film sur le mouvement, la géographie, et sur ce qui nous meut intérieurement, entre ce supposé dedans et ce monde du dehors qui nous bouscule. D’où l’insistance à filmer dans et depuis les voitures, et ces paysages, vus depuis le train ou à travers les fenêtres des chambres préparées. Contrechamp décisif, un échange entre deux réfugiés soudanais devenus bénévoles scande le film. Jeu de frontières, de positions en mouvement, d’assignations hâtives déjouées, comme en témoigne la conversation finale, en forme de rebond. (Nicolas Feodoroff)

COMPETITION NATIONALE

 

X14

De Delphine Kreuter

Avec Lucie Cure, François Ardouvin, Denis Lavant, Jeanne Balibar, Daniel Horn, Emmanuel Salinger, Florence Thomassin.

France / 2022 / 78’

Liz, la trentaine, vit dans son appartement de banlieue parisienne avec son chat et son robot domestique. Entre un Godldorak pacifiste et une créature protectrice sortie du Studio Ghibli, crête tendance punk et deux leds bleues en place des yeux, X14 s’occupe du foyer. Il est mélomane, affectueux et un poil jaloux. Elle, grande, mince, peau diaphane et regard translucide, vit avec un cœur artificiel et attend une greffe sans trop y croire. Une princesse cyborg avec un (vrai) problème de cœur. En mini short, collants noirs et sweat à capuche, un arsenal électronique de batteries accrochées autour du torse, façon Lara Croft le jour et Fantômette la nuit, l’héroïne badass enchaîne les date Tinder sans grande émotion et affronte la vie tant bien que mal. Le quotidien de Liz et X14, plutôt réglé, se voit bouleversé quand débarque Harvey, joyeux trentenaire loufoque, prince charmant romantique bien décidé à prendre sa place aux côtés de la princesse malade. Empruntant les codes narratifs du conte, X14 développe son intrigue autour de son héroïne, forte et tragique, et de personnages secondaires hauts en couleur – voisin farfelu en quête spirituelle, mère exaspérante à travers l’écran du téléphone, chirurgien asthmatique débordant d’enthousiasme – incarnés avec réjouissance par Denis Lavant, Jeanne Balibar et Emmanuel Salinger. Dans une esthétique lo-fi pleinement assumée, alliée à un montage nerveux, la caméra de Delphine Kreuter virevolte, se cogne, alterne entre vues objectives et vues subjectives du robot, nous promène d’un endroit à l’autre d’un Paris périphérique et gris. Concentré d’énergie vitale, X14 est un film aussi surprenant qu’explosif, à l’image de cette boule de feu propulsée par son héroïne, un Kamé Hamé Ha tout droit sorti d’un épisode de Dragon Ball Z, qui emporte le film dans un mouvement final ravageur. (Louise Martin Papasian)

COMPETITION NATIONALE

 

KRISTINA

De Nikola Spasic

Avec Kristina Milosavljević, Marko Radisić, Jelena Galović, Zvonimir Pudelka

Serbie / 2022 / 90’

Kristina est transgenre et travailleuse du sexe en Serbie. Elle joue son propre rôle dans un film éponyme qui illustre son quotidien avec pudeur et selon les formes de la pleine fiction. Nous sommes chez elle, avec elle. D’une élégance folle, elle se plaît à créer des ikebanas sous l’ombrière baroque et luxueuse de son jardin. La sonnerie de son téléphone, étonnamment criarde, vient chahuter le tableau parfait. Kristina expose à son interlocuteur la tarification de ses services. Aux plans suivants, dans un intérieur accordé à son élégance, armée d’un grand éventail qu’elle déploie avec grâce, elle attend son client. À l’arrivée de ce dernier, elle commande avec assurance et superbe que les chaussures soient retirées et une douche prise. La sobriété et la délicatesse de sa vie contreviennent à tous les clichés qui entourent son métier. Au plus près de son personnage, le film épouse sa placidité et procède avec une souveraineté tranquille, en une succession de tableaux aux cadrages et aux compositions impeccablement ciselées, comme une suite d’icônes dont Kristina serait le centre. Kristina est croyante. Quand elle cherche chez elle l’endroit le plus propice pour accueillir un petit crucifix, la sonnerie de son téléphone coupe à nouveau court à son entreprise. Ce faisant, Nikola Spasic met en scène la tension qui habite Kristina entre la possibilité de vivre sa foi et l’exercice d’une activité qui, d’après la doxa religieuse et sociale, la contredit. Retraçant un cheminement intérieur dans le calme secret des églises comme des forêts, le film ouvre aussi en son coeur un espace de confessions, dans des plans frontaux où Kristina se raconte. Il ne prend pas pour autant le chemin d’un repentir. Il affirme au contraire la liberté profonde d’une femme moderne, saisie en majesté dans un audacieux portrait aux lignes inspirées des iconostases qui ouvrent sur le divin. (Claire Lasolle)

COMPÉTITION PREMIER → PRIX PREMIER

 

MOURIR À IBIZA IBIZA (UN FILM EN TROIS ÉTÉS)

D’Anton Balekdjian, Léo Couture, Mattéo Eustachon

Avec Lucile Balézeaux, César Simonot, Mathis Sonzogni, Alex Caironi

France / 2022 / 110’

À la fin du mois d’août, Léna, 25 ans, débarque à Arles pour rejoindre Marius, un amour de vacances passées. Celui-ci tarde à se montrer. En l’attendant, elle rencontre Maurice, boulanger saisonnier, qui la présente à son ami Ali, sympathique gladiateur occasionnel. Marius finira par arriver et tous les quatre, liés par le hasard de la rencontre et une complicité spontanée, se retrouveront les deux étés suivants, à Étretat puis à Ibiza. Avec désinvolture et légèreté, le film distille la magie des étés prolongés, dans un tableau solaire, aux couleurs vives et chatoyantes, qui dépeint le charme des amours vagabondes. Les réalisateurs jouent des motifs d’un cinéma français issu de la Nouvelle Vague qui s’amuse à restituer les variations du badinage amoureux. Les conversations, interprétées par ce quatuor d’acteurs plein d’allégresse, révèlent une jeunesse prise entre petites et grandes préoccupations – avoir des enfants ? Partir en mer ? Suivre l’amour ? Seule Léna, qui navigue entre les trois garçons, semble savoir ce qu’elle veut et où elle va. Dans le sillage de Jacques Rozier, Mourir à Ibiza sent l’air marin et les embruns salés. La mer, filmée dans sa plus belle gamme de bleus, de la Manche à la Méditerranée, est omniprésente, terrain d’escapade, espace de conquête et promesse de départ. Si le film s’en remet principalement aux bavardages et à la verve authentiques de ses personnages, la parole laisse progressivement place à la chanson. Le trio de réalisateurs n’a pas froid aux yeux et va jusqu’à se saisir des ressorts de la comédie musicale pour substituer aux mots les refrains qui viennent si bien raconter les émotions propres au voyage. Comme Léna appuyée à la rambarde de ce ferry « qui n’en finit plus de ne plus revenir », c’est avec émotion et délectation que l’on découvre cette oeuvre naissante qui regarde l’horizon. (Louise Martin Papasian)

COMPÉTITION PREMIER FILM → MENTION SPÉCIALE

PRIX MARSEILLE ESPÉRANCE / PRIX AIR FRANCE DU PUBLIC / PRIX EUROPÉEN DES LYCÉENS FONDATION VACANCES BLEUES

 

A WOMAN ESCAPES

De Sofia Bohdanowicz, Burak Çevik, Blake Williams

Avec Deragh Campbell, Blake Williams, Burak Çevik

Canada – Turquie / 2022 / 81’

« Cette histoire est véritable. Je la donne comme elle est, avec ornements ». Cette phrase, clé de voute d’A Woman Escapes, est signée Audrey Benac et détourne la célèbre phrase d’ouverture d’Un condamné à mort s’est échappé (A Man Escapes) de Robert Bresson. Alter ego de Sofia Bohdanowicz, esseulée et endeuillée, Audrey erre dans l’appartement parisien de son amie Juliane, récemment décédée. Sur des vues d’Istanbul, la voix grave de Burak évoque un colis reçu par erreur, destiné à Audrey/Sofia, envoyé par un certain Blake : une petite caméra 3D. Des images de la jeune femme dans un bus filant à travers le paysage marquent alors le début, non seulement d’une correspondance, mais d’un film qui fait de la circulation – des images, des sons, des rêves – son moteur. Les voix des trois personnages se mêlent à l’entrelacs de vues stéréoscopiques, de grains de pellicule 16 mm et d’images 4K, dans un échange articulé selon le motif du tressage – à l’image de la hallah cuisinée par Audrey. Comme annoncé en ouverture, A Woman Escapes délaisse l’austérité bressonienne et assume pleinement les ornements de sa fiction – détours et artifices, profusion des images et des couleurs. Citation et remploi sont les logiques de mise scène de ce film palimpseste, comme semble l’illustrer la première lettre envoyée par Blake à Audrey, qui décrit Zen for Film de Nam June Paik, oeuvre en constante réinvention à mesure des altérations et des accumulations de poussière sur une pellicule vierge. Des cartons qui vont du bleu au rouge (couleurs des lunettes 3D) en passant par toute une gamme de magentas, des premières images montrant les gestes de Juliane aux dernières, où ces mêmes gestes sont répétés par Audrey, A Woman Escapes dessine une trajectoire qui semble faire du cinéma un manifeste pour une guérison. (Louise Martin Papasian)

PRIX DU CENTRE NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES (CNAP) → MENTION SPÉCIALE

COMPÉTITION INTERNATIONALE → MENTION SPÉCIALE

 

SAPPUKEI

De Chun Wang, Hikky Chen

Taiwan / 2022 / 19’

Saigon, été. Une réalisatrice japonaise se prépare à tourner un film, quand son acteur principal disparaît. Voilà à quoi pourrait se résumer le film de Chun Wang et Hikky Chen. Mais Sappukei est bien plus que ça : jeu de pistes, film de fantômes, réflexion sur la création, invitation au voyage. Sur les traces de ces ombres – lui, disparu avant même qu’on ne l’ait vu, elle présente seulement par la voix – et les doux accords d’une guitare sèche s’esquisse un récit erratique et mélancolique, tâtonnant parmi les manques. Comment filmer l’absence ? En jouant des écarts. Le duo de réalisateurs s’amuse à resignifier les décors et à mettre en scène la disparition dans des plans évidés, dépouillés de toute présence humaine. Une porte s’entrouvre mystérieusement dans le fond d’un studio de danse, une bouteille surgit de nulle part et vient se briser sur des escaliers, un voile blanc flotte au milieu d’un aiguillage. Libre au spectateur d’imaginer, ici et là, la présence des deux fantômes, ou de voir leurs traces dans les corps de ces anonymes filmés à la dérobée. Écarts à nouveau. Entre fiction et documentaire, entre projection et réalité, entre passé et présent. Sappukei semble vouloir dire que, malgré le manque, il faut persévérer et continuer de créer, quitte à effectuer des gestes énigmatiques, qui questionnent autant qu’ils signifient. Comme ces deux mains qui réunissent au milieu de l’image des planches rectangulaires égales, montrant des halos de lumière. Par la puissance évocatrice des images et des sons, ce film sur les possibles du cinéma convoque l’invisible et invite à ouvrir le regard. On le lit en ouverture : « En fin de compte, c’est seulement quand elle partit qu’elle réalisa que tout semblait déjà être complet, tout attendait juste d’être découvert. » (Louise Martin Papasian)

COMPÉTITION FLASH → PRIX DE LA COMPETITION FLASH

 

PTITSA

D’Alina Maksimenko

Pologne, Ukraine / 2022 / 31’

À Kyiv la guerre semble encore inimaginable, mais la pandémie contraint une mère et sa fille au confinement dans l’appartement qu’elles partagent. La mère, professeure de piano, poursuit ses leçons par téléphone, à la table de la cuisine, avec la même passion et la même exigence. La fille a son studio à l’autre bout de l’appartement mais elle a changé ses pinceaux pour une caméra. Ptitsa : oiseau, en russe, comme ceux qui bravent l’hiver sur le rebord enneigé de la fenêtre. Dans ce premier film, la peintre ukrainienne Alina Maksimenko prend pour modèles le duo qu’elle forme avec sa mère pour composer un double portrait en huis clos qui, au plus loin de tout narcissisme, se développe en poignante méditation sur la perte et la fin. Le récit alterne entre deux conversations. Celle d’Alina et sa mère, préoccupées par leur future séparation, la fille ayant décidé de quitter l’appartement. Celle au téléphone entre Alina et son amie Inna, dont la fille Katya vient de mourir dans un accident de la route. Comment affronter la perte, comment supporter la fin, comment tenir quand tout s’effondre ? Personne ici ne prétend faire la leçon, mais ce dont Alina Maksimenko fait la démonstration, par la tenue et la beauté même de son film, c’est qu’une continuité, un renouvellement sont possibles par-dessus le vide. Par la parole, d’abord, quand elle pèse les mots et relie la bouche au cœur, comme c’est miraculeusement le cas à chaque instant de Ptitsa. Par le travail de l’art, le soin et la rigueur que l’on met à façonner des formes qui s’opposent au chaos du dehors. La cinéaste fabrique son film, compose ses plans comme la peintre ses tableaux : seule, agençant patiemment transparences et opacités entre les murs et les fenêtres de l’appartement, accueillant la profondeur à la surface de l’image. (Cyril Neyrat)

COMPÉTITION FLASH

 

SITE OF PASSAGE

De Lucy Kerr

Avec Reese Taylor, Presley Alexander, Loren Hanson, Madelin Wilson, Hannah Lee, Rachel Withers.

États-Unis / 2022 / 7’

Des voix murmurées annoncent la mort d’une fille. Autour d’elle, des adolescentes, agenouillées la regardent, concentrées. À nouveau, elles chuchotent et répètent en chœur « light as a feather, stiff as a board » (léger comme une plume, raide comme une planche), formule magique tirée du fond des âges accompagnant le porté de son corps, en quasi lévitation. On est dans le salon d’une maison, faiblement éclairé, des bougies disposées un peu partout, du pop-corn renversé sur le canapé. D’emblée, Site of Passage évoque par ses motifs et son décor les teen movies mettant en scène des jeunes sorcières et les films d’horreurs des années 80 et 90, où la pyjama party vire à l’angoisse. Dans Crashing Waves (FID 2021) Lucy Kerr faisait de l’envers des images, tirées d’un cinéma de genre, son objet d’étude. C’est à la réduction qu’elle s’applique dans ce film, en évidant son décor de toute épouvante pour n’en retenir que la trace invisible et la suggérer, dans un geste bref et dépouillé. Ici, pas d’histoires morbides mais une série de mystérieux gestes, effectués par six adolescentes aux visages angéliques. La légèreté des jeux auxquels elles s’adonnent offre un contrepoint à l’horreur fantasmée, malgré la persistance d’une inquiétante étrangeté. Aux craquements du parquet causés par le mouvement des jeunes filles, le traitement sonore minimaliste ajoute un bruit de fond continu, celui de la machinerie du cinéma, présence fantomatique au milieu de la pièce. Une dernière image les montre s’affaisser et se redresser, se soutenir mutuellement, dans un jeu de poids et contrepoids. Lucy Kerr offre une variation chorégraphique suspendue dans le temps, et figure la sororité adolescente dans l’union ritualisée. Comme dans ce tableau final, où les couleurs pastel viennent se fondre dans le ballet des corps entremêlés, qui, dans ce lieu de passage, ne semblent faire plus qu’un. (Louise Martin Papasian)

COMPÉTITION FLASH

 

WELCOME

De Jean-Claude Rousseau

France / 2022 / 18’

Trente-cinq ans après Keep in touch, le cinéma de Jean-Claude Rousseau fait retour dans la ville de Carl Andre et Hollis Frampton. On dirait un remake miniature de Fenêtre sur cour, mais version new-yorkaise. Fenêtre sur cour mis à plat par un artiste minimal new-yorkais. La fenêtre occupe presque tout le cadre, le photographe est absent. Le regard, qui n’a plus rien de voyeur, papillonne à la surface d’une façade de briques rouges, de l’autre côté, percée d’une myriade d’égales ouvertures. À la surface des vitres ou dans la profondeur des chambres, la vie passe, s’absente, revient, toujours inaccessible. Alliant la plus grande simplicité – cadre fixe et immuable – au plus haut degré de modulation sensible et affective, l’auteur de De son appartement (Grand Prix FID 2007) porte ici son art de la variation à son sommet. Les variations de la lumière convertissent les heures du jour en saisons de l’année ou de la vie. Des objets apparaissent et disparaissent sur le rebord de la fenêtre, un bout de carton bat dans le vent, une phrase extraite d’un quintette de Fauré revient comme le refrain d’une prière infinie. La fenêtre-triptyque, dressée sur son rebord d’un noir intense et brillant, finit par apparaître comme ce qu’elle est : un autel. Un autel devant lequel l’homme ne vient pas s’agenouiller mais faire des gestes, d’une main qui tremble de crainte et d’émotion, saisi par le battement de l’absence et de la présence de part et d’autre de la fenêtre. Puis il s’assoit, et c’est son image qui, le soir venu, s’imprime sur le tableau d’autel – reflet en retrait, autoportrait spectral sur la vitre centrale. New York n’existe plus. Lui, à peine. Welcome est une cérémonie d’hommage et d’adieu à une ville et un passé révolus. Le titre, paradoxal, formule l’énigme qu’est le film : Qui souhaite la bienvenue dans cet adieu ? Où est-on accueilli ? De quoi cette fenêtre-autel marque-t-elle le seuil ? Attention, vertige. (Cyril Neyrat)

COMPÉTITION FLASH